« Choisis la vie »
Rencontre Fils d’Abraham du 13 décembre 2020
Nous étions bien peu nombreux, huit au meilleur moment, pour participer à la réunion de notre groupe, dimanche 13 décembre. Etait-ce l’effet de la fatigue d’une fin d’année très étrange, de l’anxiété inhérente à la prolongation pour une durée interminable et encore indéterminable de l’application de rudes contraintes, de la perplexité de beaucoup d’entre nous devant un sujet qui suscite l’étonnement, de la crainte d’être un peu dépassé par les développements trop intellectuels des dissertations qu’il nous faudrait assimiler, sinon produire nous-mêmes approximativement, ou encore, très probablement d’une combinaison vertigineuse de ces facteurs et éléments d’un malaise insurpassable ?
Or , nous étions invités à réfléchir ensemble et à échanger sur un extrait de la péroraison de l’ultime prédication de Moïse au peuple d’Israël, parvenu au seuil de la terre promise au terme de 40 années de déambulation dans le désert après être sorti d’Egypte et avoir traversé la mer rouge, quand il s’agit de lui rappeler les exigences et les promesses de l’alliance que l’Eternel lui offre encore de conclure ou de renouer, avant que son Médiateur suprême ne meure sur le mont Nebo dans la contemplation de tout ce pays où il ne lui sera pas permis d’entrer .
Au chapitre 30 du Deutéronome (littéralement « Seconde Loi » , contenant des développements sur les lois et coutumes enseignés aux Fils d’Israël , à charge pour eux de les mettre en pratique dans la continuité de la Loi, initialement révélée par Dieu au Sinaï, sur l’Horeb) , on peut lire le texte ici reproduit dans sa quasi intégralité pour apprécier la substance et saisir le fil conducteur de l’exhortation où s’intègre la citation (en caractères gras), qui a servi de point de départ à notre dernière discussion de l’année de tous les dangers.
30 « Lorsque toutes ces choses t’arriveront, la bénédiction et la malédiction que je mets devant toi, si tu les prends à cœur au milieu de toutes les nations chez lesquelles l’Eternel, ton Dieu, t’aura chassé,
2 si tu reviens à l’Eternel, ton Dieu, et si tu lui obéis de tout ton cœur et de toute ton âme, ainsi que tes enfants, en te conformant à tout ce que je te prescris aujourd’hui,
3 alors l’Eternel, ton Dieu, ramènera tes déportés et aura compassion de toi. Il te rassemblera encore du milieu de tous les peuples parmi lesquels il t’aura lui-même dispersé.
4 Même si tu étais exilé à l’autre extrémité du ciel, l’Eternel, ton Dieu, te rassemblera de là, il ira te chercher jusque-là. 5 L’Eternel, ton Dieu, te ramènera dans le pays que tes ancêtres possédaient et tu le posséderas. Il te fera du bien et te rendra plus nombreux que tes ancêtres.
6 L’Eternel, ton Dieu, circoncira ton cœur et celui de ta descendance, et tu aimeras l’Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme, afin de vivre.
7 L’Eternel, ton Dieu, fera tomber toutes ces malédictions sur tes ennemis, sur ceux qui t’auront détesté et persécuté.
8 Quant à toi, tu reviendras à l’Eternel, tu lui obéiras et tu mettras en pratique tous les commandements que je te prescris aujourd’hui.
9 L’Eternel, ton Dieu, te comblera de biens en faisant prospérer tout le travail de tes mains, tes enfants, les portées de tes troupeaux et le produit de ton sol. En effet, l’Eternel prendra de nouveau plaisir à ton bonheur, tout comme il prenait plaisir à celui de tes ancêtres,
10 lorsque tu obéiras à l’Eternel, ton Dieu, en respectant ses commandements et ses prescriptions écrits dans ce livre de la loi, lorsque tu reviendras à l’Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme.
11 »Le commandement que je te prescris aujourd’hui n’est certainement pas au-dessus de tes forces ni hors de ta portée.
12 Il n’est pas dans le ciel pour que tu dises: ‘Qui montera pour nous au ciel et ira nous le chercher? Qui nous le fera entendre afin que nous le mettions en pratique ?
13 Il n’est pas de l’autre côté de la mer pour que tu dises : ‘Qui passera pour nous de l’autre côté de la mer et ira nous le chercher ? Qui nous le fera entendre, afin que nous le mettions en pratique ?
14 C’est une parole, au contraire, qui est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique.
15 « Regarde ! Je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bien, ou la mort et le mal.
16 En effet, je te prescris aujourd’hui d’aimer l’Eternel, ton Dieu, de marcher dans ses voies et de respecter ses commandements, ses prescriptions et ses règles afin de vivre et de te multiplier, afin que l’Eternel, ton Dieu, te bénisse dans le pays dont tu vas entrer en possession.
17 Mais si ton cœur se détourne de lui, si tu ne lui obéis pas et si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d’autres dieux et à les servir,
18 je vous déclare aujourd’hui que vous périrez. Vous ne vivrez pas longtemps sur le territoire dont vous allez prendre possession une fois le Jourdain passé.
19 J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie afin de vivre, toi et ta descendance,
20 en aimant l’Eternel, ton Dieu, en lui obéissant et en t’attachant à lui. Oui, c’est de lui que dépendent ta vie et sa durée, et c’est ainsi que tu pourras rester dans le pays que l’Eternel a juré de donner à tes ancêtres Abraham, Isaac et Jacob. »
Durablement désappointés d’avoir subi et de subir encore, comme autant de nouvelles « plaies d’Egypte »,
l’emprise d’un coronavirus maléfique ,
les menaces de la mort qui rôde ,
la crainte d’être frappés d’invalidité ,
des privations de liberté, en alternance avec des restrictions plus ou moins sévères,
des ruptures douloureuses avec nos proches, nos amis et connaissances ou nos collègues
des situations de chômage ou d’inactivité forcée, des baisses de revenus, pour un grand nombre,
des perspectives déprimantes de pertes plus substantielles dans un avenir immédiat sombre,
sans être vraiment assurés d’apercevoir bientôt les lueurs d’un horizon plus dégagé sur des territoires où il nous soit permis d’espérer vivre à distance de ces périls,
comment faire nôtre dans les années 2020-2030 au temps de la numérisation et de la mondialisation une objurgation adressée aux Fils d’Israël, 3300 ans auparavant , au terme d’un exode marqué par des épreuves et des tensions et l’espérance d’accéder à un pays où ruissellerait le lait et le miel ?
Au cours de nos échanges du dimanche 13 décembre, que n’a pas permis de fluidifier notre pratique encore balbutiante de la visioconférence , les esprits étaient sans doute obnubilés par la constatation réitérée à diverses reprises d’un resserrement plus sensible encore des freins qui affectent les forces de vie et d’émancipation sociale et économique, au détriment des plus vulnérables et des catégories défavorisées, mais il est resté hors de question de renoncer à faire avancer le bien et à combattre ce qui constitue ou incarne le mal, nonobstant les échecs, imperfections ou impuissances apparents ou relatifs. D’entrée de jeu, pour introduire le débat, c’est l’impératif existentiel d’exercer sa responsabilité de femmes et d’hommes, rendus libres et capables par eux-mêmes de se confronter aux épreuves de la vie et de chercher à les dépasser, qui nous a été mis en évidence comme la leçon toujours digne actuellement d’être retenue et mise en œuvre dans cette lutte à laquelle nous ne saurions nous dérober.
Au demeurant et très concrètement, c’est l’engagement en faveur de celles ou ceux dont la vie est menacée ou qui sont victimes du malheur ou d’entreprises maléfiques et dévastatrices qui contribue de manière effective, aux yeux de plusieurs des intervenants qui se sont exprimés, à faire triompher la vie et le bien peu à peu. La tentation de sacrifier le présent à des objectifs prétendument plus élevés apparaît vaine, puisqu’il s’agit « de mettre en pratique tous les commandements que je (Dieu) te prescris aujourd’hui » (verset 8 ci-dessus) : il y a synchronisme entre la réception et la traduction en actes positifs d’une parole qui solennise la primauté de la vie et du bien. Une formulation empruntée à un théologien catholique (Joseph de Bacciochi) a été citée pour exprimer l’idée de l’urgence d’une implication dans la vie actuelle « Si la vie éternelle était un alibi démobilisateur, elle serait aliénation et mort, complicité passive avec le règne du mal ».
D’autres hommes et femmes de bonne volonté, qui ne se projettent pas au-delà, poursuivent inlassablement et valeureusement des combats politiques ou humanitaires sans haine ni violence contre les asservissements, la pauvreté, toutes les formes les plus scandaleuses du mal, et pour un partage plus juste des richesses et le respect des droits de l’homme. Nul ne songe à prétendre que les croyants seraient plus méritants ou plus efficaces et que l’inspiration divine puisse leur conférer une plus-value certaine, car « l’Esprit souffle où il veut ». Contre les forces du mal, c’est une mobilisation générale qui importe et la solidarité a permis constamment dans l’histoire humaine un déploiement irrépressible de vertus bénéfiques, au bénéfice de la perpétuation et de l’embellissement de la vie. De surcroit, le concert de femmes et d’hommes très divers dans leurs opinions ou leurs aspirations favorise le discernement de ce qu’il est bon et juste de mettre en œuvre dans un engagement qui se veut au service des pauvres et des opprimés, en atténuant les risques de tomber dans les pièges du spontanéisme.
En toute hypothèse, nous nous sommes accordés sur la nécessité de choisir de s’engager sans tergiverser et de privilégier la cause de l’humanité, du partage et du bien commun sur la promotion ou la sauvegarde de ses intérêts personnels, dans un esprit de pure gratuité et sans attendre de retour sur investissement. Les mêmes paroles du Christ sont reprises, presque mot à mot, aussi bien dans les trois évangiles synoptiques (Matthieu chap. 16 v. 25 ; Marc chap.8 v.35 ; Luc chap.17 v.33) que dans l’évangile de Jean (chap.12 v.25) :
Quiconque veut sauver sa vie la perdra mais quiconque perd sa vie à cause de moi l’assurera. Quel avantage l’homme aura-t-il à gagner le monde entier s’il le paie de sa vie ? Que donnera l’homme qui ait la valeur de sa vie ?